Lettre ouverte de Denis Desgagné, président-directeur général
Nouvelle
Publiée le 23 octobre 2019Il faut cesser de nier l’existence des communautés francophones hors Québec
Lettre ouverte de Denis Desgagné, président-directeur général Centre de la francophonie des Amériques
À l’émission Tout le monde en parle du dimanche 21 octobre dernier, Denise Bombardier a affirmé ceci : « À travers le Canada, toutes les communautés francophones ont à peu près disparu. Il en reste encore un peu en Ontario. Au Manitoba, j’y suis allée encore au mois de janvier chez les Métis, on ne parle plus le français. » À peine prononcés, ses propos ont fait réagir la francophonie canadienne sur les médias sociaux, et ce, avec raison.
Dans le cadre de mes fonctions, j’ai visité les communautés francophones au pays à maintes reprises. Il est vrai que le Québec a joué et joue encore un rôle important pour la francophonie canadienne. Cependant, s’il y a aujourd’hui des francophonies dynamiques, vivantes et vibrantes partout au Canada, il faut en donner le crédit aux communautés locales elles-mêmes, qui, jour après jour, se lèvent avec cette volonté de vivre en français. C’est grâce aux citoyens, qu’ils soient Franco-Manitobains, Acadiens, Fransaskois, Franco-Yukonnais, Franco-Ontariens ou autres, qui interpellent les divers ordres de gouvernement pour revendiquer des lois et des politiques en matière de francophonie, qui défendent leurs droits avec vigueur et mènent des causes juridiques jusqu’en Cour suprême du Canada et qui créent leurs propres programmes et services en français, que la francophonie se développe et rayonne. C’est grâce à ces francophones si le Québec et le Canada sont de plus en plus francophiles.
Depuis l’obtention des écoles francophones et de la gestion scolaire par les communautés francophones, le fait français s’est normalisé dans l’ensemble du pays. Au cours des dernières années, on a vu une croissance extraordinaire de la francophonie, mais aussi une ouverture de la majorité. On dénombre de plus en plus d’anglophones qui apprennent le français à travers les programmes d’immersion française, notamment. Conséquence directe : une pénurie d’enseignants de langue française à l’échelle du pays, car il y a plus de demandes que de capacité à répondre à ces demandes. N’est-ce pas là un signe concret de vitalité ?
Jeudi dernier, j’étais à l’école Précieux-Sang, un établissement francophone situé à Winnipeg, au Manitoba. J’y étais pour offrir une formation à des enseignants sur un tout nouveau programme que le Centre de la francophonie des Amériques a développé et qu’ils piloteront au sein de leur école. Accordant une grande importance à l’apprentissage de la langue française, ce programme se veut une occasion d’améliorer la sécurité linguistique des élèves vivant en situation minoritaire. Les échanges que j’ai eus dans cette école m’ont permis de constater que la francophonie est entre bonnes mains et qu’elle bénéficie de ce partage de vécus et d’expertise.
Si l’on souhaite agrandir notre espace francophone, il faut accroître notre capacité à travailler ensemble. En collaboration avec des centaines de partenaires, c’est le travail que le Centre de la francophonie des Amériques s’efforce de faire au quotidien : tisser des liens entre les 33 millions de locuteurs du français dans les Amériques, quel que soit leur niveau de langue, quel que soit leur accent, témoignant de notre engagement envers une francophonie plurielle et diversifiée. Chaque fois que des Québécois participent à nos activités et programmes, ils s’étonnent positivement de cette réalité qu’ils ne connaissaient pas ou trop peu.
Avec 10,4 millions de personnes qui parlent français au Canada, dont 2,7 millions qui habitent à l’extérieur du Québec, il faut cesser de nier l’existence de ces communautés qui se battent pour exister. Apprenons à nous connaître ! Ces francophones font preuve d’une grande résilience, d’une grande résistance. Il faut leur tendre la main et leur offrir notre solidarité. Le Québec doit continuer d’affirmer un leadership mobilisateur en matière de francophonie, tant au Canada que dans les Amériques. Mais plus encore, nous, Québécois, aurions certainement beaucoup à apprendre de ces gens qui, au quotidien, luttent passionnément pour la francophonie.
Madame Bombardier, la prochaine fois que j’effectuerai une mission en francophonie canadienne, je vous inviterai à m’accompagner. Je suis convaincu que vous seriez pleine d’admiration pour ces francophones, pour ce travail qu’ils font au quotidien et cette conscience qu’ils ont de leur identité, de leur langue et de leur culture. L’invitation est lancée !